Naïla


Le premier principe du succès est le désir.
Il vous faut savoir ce que vous voulez.
Le désir, c'est la mise en terre de la semence.
Robert Collier

Caractéristiques 

Architecte : Gilbert Caroff  http://www.caroff-duflos-architecture-naval.com/
Longueur coque : 9,50m, 10m avec la jupe
Largeur : 3,37m
Tirant d'eau : 1,50m
Déplacement : 5 T
Moteur :  10cv
Réservoir gasoil : 300 l
Matériau : aluminium (5086 H 111) 

Un voilier en polyester n'aurait jamais résisté à :
l'étrave du chalutier espagnol qui a abordé Naïla dans le golfe de Gascogne une nuit de 1990, 
ni aux coups de boutoir du mât cassé lors du chavirage au sud de la Nouvelle-Zélande en 1995, 
ni à la dureté du quai à Raivavae au passage d'une bombe météo en 2001, ni ..., ni..., ni...
Tout est une question de choix. Vu mes programmes de navigation, l'aluminium aura toujours ma préférence.

Equipements irréprochables qui ont accompagné la vie de Naïla, certains depuis 25 ans :
Régulateur d'allure Aries
Voiles Tarot http://www.voilerie-tarot.fr/
Enrouleurs Facnor   http://www.facnor.fr/
Moteur monocylindre Bukh DV10 SME
Frein de bôme Walder http://www.walderweb.com/fr/
Hélice JPROP http://www.pronautique.fr/ 
J'ai équipé Naïla en 2013 d'une hélice JPROP : vitesse moyenne supérieure de 1/2 à 1 noeud. Le gain est encore plus visible face au clapot, et les manoeuvres en marche arrière sont devenues possibles.

Plus le bateau est simple et plus il ira loin. Il faut savoir se contenter de ce que l'on peut avoir pour vivre la mer et le voyage, sans rêver à un bateau utopique, si fantastique et compliqué qu'à l'évidence on aura peu de chance de posséder un jour.
"La suprême indépendance consiste à se débarrasser du superflu" Gandhi



Remise à l'eau de Naïla à Tahiti


Naïla en construction. Les textes sont extraits du récit  "Je suis né deux fois" 

Pour ma navigation autour du monde, je ne peux envisager autre chose qu'un bateau en métal qui résistera plus facilement à toutes les épreuves inhérentes à un tel périple. J'aime l'aluminium. Ce matériau se travaille très souvent avec les mêmes outils que ceux destinés au bois. Malgré son côté tendre, l'aluminium a la faculté d'absorber les coups et de supporter une déformation importante avant de se déchirer. Mais la principale qualité, c'est sa légèreté par rapport à l'acier, ce qui est primordial pour un petit bateau.
Les gros inconvénients se rencontrent pendant la construction. L'aluminium demande une mise en œuvre très soignée, sans commune mesure avec l'acier. Un abri est absolument nécessaire car les soudures doivent se faire en dehors de tout courant d'air. Sans ce minimum de précautions, la qualité des soudures, donc du bateau en général, serait médiocre. Ces contraintes expliquent, entre autres, la marginalité de la construction amateur de bateaux en aluminium.





Je monte l'abri avec toutes sortes de bouts de bois et de planches de récupération divers pour construire une structure légère mais suffisamment résistante à l'assaut du vent. Heureusement le mur d'un côté, les tilleuls de l'autre, atténuent beaucoup sa force. Sur cette structure en bois j'ai tricoté un quadrillage régulier en fil de fer sur lequel vient s'appuyer un plastique agricole transparent, le type de plastique normalement utilisé pour couvrir la paille dans les champs.



La coque d'un voilier en métal est en règle générale construite à l'envers sur un marbre constitué de deux grandes poutres en bois aussi longues que le futur bateau, parallèles et de niveau dans la longueur et la largeur. Elles sont fixées à onze pieds et cimentées dans le sol. C'est grâce au marbre qui doit être parfait que le bateau pourra être construit au millimètre. Il doit porter la coque jusqu'à ce qu'elle soit entièrement recouverte de ses tôles. Elle pèsera environ une tonne et demie à ce moment-là. Je dois apporter beaucoup de soin à ce premier travail.
Je devrais d'abord mettre en place sur le marbre les couples, au nombre de onze, puis les vingt-deux lisses et enfin le bordé. Dans un bateau, les couples sont comme les côtes d'un animal, régulièrement espacées de quatre-vingts centimètres. Ensuite, longitudinalement viennent les lisses, une tous les vingt centimètres environ, soudées à chaque couple. Elles sont les muscles de la bête. Puis, comme une peau, le bordé des tôles vient recouvrir l'ensemble. Les tôles sont soudées aux lisses par de petits cordons de cinq centimètres tous les quinze centimètres. Enfin, pour terminer la coque, les tôles sont soudées entre elles.


Après les avoir tracés, je découpe à la scie circulaire les couples dans de la tôle de un centimètre d'épaisseur. C'est un travail pénible. Je me suis équipé : un casque anti-bruit sur les oreilles, une paire de lunettes sur le nez, sans oublier un foulard pour protéger mon visage des copeaux d'alu brûlants. Bien que l'on soit en janvier, j'ai vite chaud sous cette armure de protection.


Croquis 2 : assemblage des gabarits en isorel, sur le tracé en vraie grandeur.
Croquis 3 : positionnement sur les tôles avant traçage et découpe.
Croquis 7 : l'épontille confectionnée avec des chutes de tôles.





Il me faut deux semaines pour mettre en place les onze couples sur le marbre. Après la pose des vingt-deux lisses, fin janvier 1984, la structure de la coque est terminée. Elle remplit maintenant la plus grande partie du volume de l'abri.





Pour me faciliter le travail et jouer le moins possible à l'équilibriste, j'ai assemblé et soudé à terre tous les éléments de la quille*. Patrice va m'aider à la monter pour l'encastrer sur la structure. Pour nous simplifier la tâche, j'ai fabriqué un portique en tube sur lequel sont fixés deux petits palans* à cordes. Patrice a un palan, moi l'autre, la quille monte doucement vers son futur emplacement. Il y a beaucoup de choses qui deviendraient plus simples si j'avais en permanence mon frère avec moi. Parfois, je perds une matinée où, à deux, une heure aurait suffi.









Le travail n'a pas été trop compliqué jusqu'à aujourd'hui. Les difficultés vont commencer avec la pose du bordé. Border une coque n'est pas difficile à deux, seulement je suis seul et tout se complique. Il me faut d'abord monter la tôle sur la structure pour la tracer, la descendre pour la découper, la remonter pour vérifier et affiner le tracé, la redescendre pour fignoler la découpe puis la remonter enfin pour la souder. Mais forcément il y a des endroits où la tôle ne touche pas la structure ; il me faudrait appuyer de l'extérieur et souder en même temps de l'intérieur, ce qui m'est impossible.Aussi, j'ai mis au point un système de levier, avec un bout de tube, une cale de bois et un palan à cordes. En tendant le palan, le tube appuie sur la cale de bois qui plaque la tôle contre la structure, le temps pour moi de réaliser le cordon de soudure. Après chaque soudure, je dois déplacer mon levier de quelques centimètres pour continuer plus loin. Je dois répéter cela une multitude de fois pour chacune des vingt-huit tôles dont la coque est composée. Jour après jour, la structure se recouvre de sa peau d'aluminium pour devenir une coque de bateau









Le grand moment de retournement de la coque approche. En cherchant chez mon grand-père, je trouve une fois de plus mon bonheur. Le bois pour l’abri, les poutres pour le marbre entre autres, je les avais déjà dénichés ici. Maintenant, ce sont : un cric de tracteur, des mètres de tuyau de chauffage, des dizaines de piquets de clôture en métal et quatre roues de scooter, sans aucune
utilité pour lui, mais qu'il stocke dans sa caverne d'Ali Baba comme des centaines d'autres choses.
Je crois que chez les personnes pour qui la vie a été dure, il reste, même quand les choses vont mieux, cet instinct de ne jamais jeter. Cela me rend bien service aujourd'hui et mon grand-père est heureux de voir toutes ces bricoles avoir enfin une utilité.
"On doit bien réfléchir avant de jeter, car tout peut trouver sa place un jour." Des mots qu'il aime me répéter le sourire aux lèvres quand il me voit reprendre un de ces bouts de ferraille dont on lui avait sûrement dit quinze fois qu'ils ne serviraient jamais à rien. Mais je comprends aussi les angoisses de ma grand-mère quand elle le voit rentrer, la remorque attachée à l'arrière de sa mobylette et chargée de mille pièces destinées à trouver leur place un jour, mais qui en attendant remplissent la cour...









Après l'avoir un peu transformé, le cric me sert à cintrer les gros tubes de chauffage pour en faire deux grandes roues de trois mètres de diamètre. La première positionnée sur le quart avant de la coque, la deuxième sur le quart arrière ; les piquets de jardin sont les rayons qui les relient à la coque, chacune d'elles reposant sur deux roues de scooter scellées au sol. Ces grandes roues sont comme une broche qui tient mon bateau, pour bientôt, le faire tourner sur place. Il me reste à finir de démonter le marbre pour cela.








Grâce aux roues, je vais pouvoir faire les cent cinquante mètres de soudure côté intérieur de la coque dans la bonne position. Techniquement la soudure à plat est de meilleure qualité que la soudure au plafond, mais surtout elle évite les petites billes brûlantes qui tombent sur la tête ou trouvent un chemin dans les manches pour brûler les bras.
Souder une coque de bateau demande à respecter des principes pour ne pas risquer des problèmes ultérieurs. Je commence à souder en partant du milieu de la coque et en allant vers l'arrière, puis du milieu en allant vers l'avant. Toutes les contraintes que provoque la chaleur suivent la soudure pour sortir ainsi aux extrémités. Imaginez un cordage emmêlé que l'on voudrait lover*, au fur et à mesure qu'il se range dans la main, le bout resté libre se met à tourner : c'est comme si les nœuds sortaient à son extrémité. Si la coque est bien soudée c'est pareil : pas de nœud, pas de contrainte. Le métal reste libre, la coque sera belle et sans bosse.



Soudure et retournement de Naïla.


A présent que les soudures intérieures sont terminées, je retourne la coque à l'envers. Les soudures qui bavent à l'extérieur sont meulées, le cordon creusé bien proprement pour faire comme un petit caniveau régulier que je vais remplir avec cent cinquante mètres de soudure de finition. Si j'ai d'abord soudé de l'intérieur, c'est pour faciliter ce travail de nettoyage obligatoire pour la bonne qualité de la soudure. Il serait impossible du côté intérieur, à cause de la présence des couples et des lisses.














Février 1985: il y a un an que j'ai commencé la construction de Naïla, il s'en passera encore trois avant sa mise à l'eau.



Visite de Naïla




Détail de la descente.

Depuis que le pont est terminé, il reste un trou juste devant le cockpit, à l'endroit où sera la timonerie*. Je la voudrais la plus petite possible pour qu'elle s'intègre bien dans la ligne générale du bateau, tout en étant confortable à l'intérieur. J'y passerai beaucoup de temps, pour veiller, dormir ou à la barre en cas de mauvais temps. Le dessin que j'avais fait sur le plan est une bonne chose, mais la voir en réalité serait bien mieux. J'en fabrique plusieurs modèles en carton, en changeant tour à tour la hauteur ou l'inclinaison des côtés. A force de tâtonnements, je crois être arrivé à un bon compromis. Sur la timonerie, la descente* se composera horizontalement d'un capot basculant et verticalement d'une petite porte. Par mauvais temps, je pourrais fermer le capot hermétiquement ; seule la porte me servira à entrer et à sortir. La tôle du dessus se prolongera de dix centimètres vers l'arrière pour empêcher l'eau de ruisseler à l'intérieur lorsque la porte sera ouverte.


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 Croquis aménagement de Naïla et système de barre intérieure.

Au moment des aménagements intérieurs, beaucoup de constructeurs amateurs tombent dans le piège du fignolage. Ils passent ainsi des années à parachever leur réalisation. Pour ma part, comme pour le reste, je vais faire simple et fonctionnel. Je souderai des petites cornières en aluminium qui en formeront les contours principaux sur lesquels viendront se boulonner les feuilles de contreplaqué. Le tout sera peint en blanc. Seules les portes des placards, la table du carré et la table à cartes garderont l'aspect du bois naturel. Grâce aux nombreux hublots, cela me donnera un intérieur clair et lumineux, agréable à vivre.



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Sur la vidéo TDM en solitaire (arrêt sur image à 4 minutes 21) le système de barre intérieure est non enclenché, en service il se fixe sous la barre au gros boulon.



Détail d'un passe-coque, identique pour : wc, cuisine, moteur.



Quatre anodes en zinc protègent Naïla :
1 anode sur l'embase du moteur, 2 anodes sur le tube protègent l'hélice, 1 anode sur le safran.
Au mouillage nous installons 2 anodes pendantes supplémentaires.